Ménopause : les "questions cons" qu’on n’ose jamais poser (et leurs vraies réponses) – Partie 1
- Floriane

- 2 oct.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 oct.
On nous répète souvent que la ménopause est « naturelle », comme si ça devait suffire à nous rassurer. Oui, c’est naturel. Les tremblements de terre aussi. Alors qu’elle concerne 100 % des femmes, la ménopause reste pourtant entourée d’un flou agaçant.
Aujourd’hui, on s’attaque aux questions “cons”. Celles qui ont l’air naïves, qu’on n’ose pas poser de peur d’avoir l’air bête ALORS que ce sont précisément celles qui méritent des réponses claires.
Voici les cinq premières (la partie 2 est en ligne ici 👀).
1. Pourquoi en ménopause nos ovaires arrêtent de produire des hormones alors que tout le reste de notre corps continue de fonctionner ?

C’est probablement la question la plus légitime. Pourquoi le cœur, les reins, les poumons, etc. Mais les ovaires décident de rendre leur tablier comme ça ?
La réponse est double : il y a un peu de biologie… et beaucoup de mystère.
Biologiquement, les ovaires contiennent dès la naissance un “stock” limité d’ovocytes, c’est-à-dire d’ovules potentiels. Ce stock diminue naturellement au fil des années, jusqu’à s’épuiser complètement — généralement entre 45 et 55 ans. Quand il n’y a plus d’ovocytes à maturer, la machine hormonale qui accompagne le cycle menstruel s’arrête : plus d’ovulation, plus de sécrétion cyclique d’œstrogènes et de progestérone, et donc… bam : ménopause.
Mais pourquoi donc ce stock n’est-il pas renouvelable ? Pourquoi la nature n’a-t-elle pas prévu un système de “production continue” ? Plusieurs théories tentent d’expliquer ce phénomène : la plus connue, la théorie de la grand-mère, suggère que l’arrêt de la reproduction permettrait aux femmes plus âgées d’investir leur énergie dans la survie et la transmission des générations suivantes. C’est une hypothèse séduisante dans notre société patriarcale… MAIS BON.
Ce qui est certain, c’est que le manque de recherche sur le sujet laisse encore beaucoup de zones d’ombre. On connaît par cœur les mécanismes de l’éjaculation masculine, mais on peine encore à expliquer pourquoi un organe clé du corps féminin décide d’arrêter ses fonctions hormonales trente ans en moyenne avant notre mort.
2. Pourquoi les hormones qu’on prend pour la ménopause ne sont pas les mêmes que celles de la contraception ?

La question paraît presque logique : si on peut “remplacer” les hormones du cycle avec une pilule contraceptive, pourquoi ne pas simplement continuer à la prendre pour compenser la chute hormonale de la ménopause ?
Parce que ce n’est ni la même mission, ni la même composition, ni la même physiologie.
La contraception hormonale a pour objectif d’empêcher l’ovulation. Elle fournit des hormones de synthèse à doses plus élevées, qui trompent le corps en lui faisant croire qu’il est déjà dans la deuxième partie du cycle. C’est un signal artificiel et continu, conçu pour bloquer la machine.
Le traitement hormonal de la ménopause (THM), lui, cherche à remplacer ce que le corps ne produit plus. Il utilise des hormones bio-identiques ou proches des hormones naturelles (œstrogènes, progestérone), mais à des doses beaucoup plus faibles, dans des rythmes qui imitent les variations naturelles. -> Son but n’est pas de “faire croire” à un cycle, mais de restaurer un équilibre hormonal de fond.
En résumé : la pilule est une illusion hormonale, le THM est une compensation. Les deux utilisent des outils similaires, mais leur logique est radicalement différente.
3. Pourquoi certaines femmes ne ressentent presque rien et d’autres ont tous les symptômes ?

C’est l’une des injustices les plus criantes de la ménopause : pourquoi certaines continuent leur vie comme si de rien n’était, pendant que d’autres dorment avec un ventilateur en hiver, perdent leurs mots au milieu d’une phrase et pleurent devant des pubs pour du papier toilette ?
La réponse se trouve dans la variabilité individuelle, une notion que la recherche commence tout juste à explorer.
Plusieurs facteurs jouent un rôle :
Génétique : certaines femmes sont plus sensibles aux variations hormonales.
Exposition hormonale passée : âge des premières règles, nombre de grossesses, durée de l’allaitement, durée d’utilisation de la contraception… tout cela compte (mais dans quelle limite : nous n'avons pas encore les réponses).
Mode de vie : alimentation, activité physique, sommeil, stress, tabac et alcool ont un impact sur la façon dont le corps s’adapte à la baisse hormonale.
Métabolisme et poids : le tissu adipeux produit de petites quantités d’œstrogènes, ce qui peut atténuer ou modifier certains symptômes.
Mais il reste une part que nous ne savons tout simplement pas expliquer. Les recherches sont encore trop limitées et manquent cruellement de diversité dans leurs échantillons. Résultat : ce qui devrait être un continuum bien compris reste souvent une loterie hormonale.
4. Pourquoi la ménopause n’arrive-t-elle pas au même âge pour toutes les femmes ?

En France, l’âge moyen de la ménopause est de 51 ans. Mais certaines femmes y arrivent à 40 ans, d’autres à 55. La différence n’a rien d’anormal, c’est une question de “capital ovarien”.
Chaque femme naît avec un nombre déterminé d’ovocytes. Leur vitesse d’épuisement dépend de nombreux facteurs :
Génétique : l’âge de ménopause de ta mère ou de ta grand-mère est souvent un bon indicateur (même si avec tous les perturbateurs endocriniens lié à notre génération l'indicateur est de moins en moins évident).
Facteurs médicaux : certains traitements (chimiothérapie, radiothérapie) ou maladies auto-immunes peuvent accélérer la perte ovarienne (j'en reparle à la fin de l'article).
Grossesses et allaitement : ils mettent le système en pause et peuvent parfois allonger légèrement la durée de la fertilité.
Tabac : il accélère l’épuisement du stock ovarien (jusqu’à 2 ans plus tôt en moyenne).
Il existe aussi ce qu’on appelle la ménopause prématurée (avant 40 ans), souvent liée à des causes génétiques ou médicales, et la ménopause précoce (entre 40 et 45 ans), qui concerne environ 10 % des femmes. Dans tous les cas, ce n’est pas une anomalie : c’est une variation biologique normale… mais encore trop peu étudiée.
5. Pourquoi on prend souvent du poids à la ménopause même sans manger plus ?

C’est une des phrases les plus fréquemment prononcées : « Je mange comme avant, mais je grossis. »Ce n’est pas une hallucination. C’est un fait biologique — multifactoriel et frustrant.
D’abord, la baisse d’œstrogènes ralentit le métabolisme de base, (soit la quantité d’énergie que notre corps dépense au repos). Ensuite, on perd naturellement de la masse musculaire avec l’âge, ce qui réduit encore cette dépense énergétique. Résultat : ce qui permettait de stabiliser son poids à 40 ans peut entraîner une prise de poids à 50, même sans changer une virgule à son assiette.
Autre phénomène : la redistribution de la graisse. Sous l’effet de la baisse hormonale, elle se concentre davantage autour de l’abdomen — un changement hormonal qui n’a rien à voir avec un manque de volonté ou de discipline.
La bonne nouvelle ? L’activité physique, en particulier le renforcement musculaire, peut compenser une grande partie de ces effets. Mais il faut accepter que l’équation change et faire une diète de 3 jours quand on a 20 ans ne fonctionnera plus à 40 ans pour perdre "2-3 kilos".
6. Est-ce qu’une ménopause “induite” (chirurgie, maladie, traitement) est vécue différemment ?

Oui. Et c’est même une autre histoire. Une ménopause “induite” — c’est-à-dire déclenchée par un traitement médical ou une intervention — n’a rien à voir avec la ménopause naturelle. On parle ici de cas où les ovaires cessent de fonctionner à la suite d’une chirurgie (ovariectomie), d’une chimiothérapie, d’une radiothérapie ou d’un traitement contre un cancer hormono-dépendant.
La première différence, c’est la vitesse. Dans une ménopause naturelle, la chute des hormones s’étale souvent sur plusieurs années : la production ralentit, le corps s’adapte plus ou moins progressivement. Dans une ménopause induite, tout s’arrête du jour au lendemain. Pas de transition, pas de phase d’adaptation. Résultat : les symptômes arrivent plus vite, plus forts, plus nombreux. Bouffées de chaleur violentes, troubles du sommeil, fatigue écrasante, douleurs articulaires, sécheresse vaginale, anxiété… tout peut se manifester en même temps, et souvent dès les premières semaines.
La deuxième différence, c’est l’impact émotionnel et psychologique. Parce que cette ménopause est liée à une maladie ou à un traitement, elle s’accompagne souvent d’une charge mentale bien plus lourde. Le corps change au moment même où il est déjà fragilisé par la maladie, et la perte de fertilité n’est plus un processus naturel lié à l’âge, mais une conséquence imposée. Cela crée parfois un sentiment d’injustice ou de perte bien plus violent.
Et la troisième différence — la plus importante — c’est l’accompagnement médical… ou plutôt son absence.
Dans le cas d’une ménopause naturelle, on peut souvent envisager un traitement hormonal de la ménopause (THM) pour compenser la chute des œstrogènes. Mais dans une ménopause induite, notamment après un cancer du sein ou tout autre cancer hormono-dépendant, le THM est généralement contre-indiqué. Cela veut dire que les symptômes doivent être gérés autrement — et que trop souvent, on laisse les femmes seules avec ça.
👉 Dans l’idéal, une femme concernée devrait consulter un·e gynécologue spécialisé·e en cancérologie (ou un·e cancérologue qui travaille en lien étroit avec un·e gynéco). Ces spécialistes connaissent les alternatives possibles : traitements non hormonaux, solutions locales, options naturelles validées scientifiquement, accompagnement psychologique, activité physique adaptée, nutrition anti-inflammatoire, etc. Ce suivi est crucial… mais il est encore rarement proposé spontanément.
En résumé : une ménopause induite est généralement plus brutale, plus difficile et moins bien accompagnée. Et c’est précisément pour ça qu’il est urgent d’en parler davantage : pour que les femmes concernées sachent qu’elles ne doivent pas affronter ça seules, et qu’elles ont le droit d’exiger un suivi spécialisé.
CONCLUSION : il n’y a pas de "question con" en ménopause, juste des réponses que l'on nous a jamais données
Si certaines de ces réponses vous semblent évidentes, c’est peut-être simplement parce qu’on ne les avait jamais formulées clairement. La ménopause n’est pas un “détail” du vieillissement : c’est une transition biologique majeure, souvent mal expliquée, parfois mal vécue — et très rarement bien accompagnée.
Et ce constat est encore plus vrai quand la ménopause ne se produit pas “toute seule” mais qu’elle est déclenchée par une maladie, une chirurgie ou un traitement médical. Dans ces cas-là, on ne parle pas seulement de symptômes plus intenses : on parle d’un corps qui bascule sans transition, souvent sans solution hormonale possible, et d’un système de santé qui ne prévoit pas grand-chose pour ça.
C’est exactement pour cela qu’il est crucial de poser les “questions cons” : elles ne sont ni naïves ni idiotes. Elles permettent d’ouvrir des conversations que la médecine a trop longtemps laissées de côté, et d’exiger des réponses qui devraient aller de soi. Dans la partie 2 de cette série, on s’attaque à d’autres idées reçues : contraception, âge, maternité, ménopause précoce… et à LA grande question que tout le monde se pose : peut-on savoir à l’avance si on aura une ménopause “facile” ou “compliquée” ?
👉 Rendez-vous ici pour la suite.




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